L'”hypnothérapeute” qui lisait mal les études


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Hier, sur Clicanoo, pour annoncer la représentation de l’hypnotiseur de spectacle Messmer, a été réalisée une interview de Tania Roumagnac, “hypnothérapeute et coach en développement personnel.” L’efficacité de l’hypnose dans la santé étant encore sujette à de grands questionnements scientifiques – et c’est peu de le dire – nous avons été étonnés de voir cette dame affirmer, sans trembler des genoux (outre le fait qu’elle parle de “clients“, et non de “patients“, au moins, elle ne trompe pas son monde) : “Si les diplômes universitaires ne sont pas reconnus par l’Ordre des médecins, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) s’est penché, pour la première fois sur l’étude de l’efficacité de l’hypnose et a publié, en septembre 2015, son premier rapport sur la question. Ainsi, le rapport de l’Inserm ​​​​​​ sur l’hypnose démontre son efficacité au bloc opératoire et face aux troubles digestifs de la colopathie dite fonctionnelle. Il plaide aussi pour des études plus fines intégrant le ressenti des patients.

Clicanoo ayant mis le lien de l’étude en question, nous sommes donc allés voir ce qu’il en retournait. Eh bien, les conclusions sont beaucoup plus nuancées. Morceaux choisis : “Le hiatus entre les indications revendiquées par les hypnothérapeutes et les preuves scientifiques de l’efficacité de l’hypnose dans ces indications est souvent notable.” ; “Il est rassurant de constater que la sécurité de l’hypnose est bonne, à la condition qu’elle soit exercée par des thérapeutes possédant par ailleurs un diplôme de soignant de type diplôme d’état, et dans le cadre d’une éthique rigoureuse et exigeante, au mieux caractérisée par l’adhésion à une charte éthique (ce que la dame en question n’a manifestement pas, NdT). ; “Il existe néanmoins suffisamment d’éléments pour pouvoir affirmer que l’hypnose à un intérêt thérapeutique potentiel, en particulier en anesthésie per-opératoire ou dans la colopathie fonctionnelle (colon irritable). Les données actuelles sont insuffisantes voir décevantes dans d’autres indications comme le sevrage tabagique ou la prise en charge de la douleur lors de l’accouchement. Des études qualitatives conduisent cependant à relativiser la portée de ces conclusions : les bénéfices de l’hypnose tels que formulés par les patients ont du mal à être traduits en termes numériques à l’aide des instruments cliniques habituellement utilisés dans les études. Par exemple, dans le traitement de la douleur, c’est l’impact émotionnel de la douleur qui serait réduit par l’hypnose plus que l’intensité de la douleur elle-même.” On n’est pas loin du bisou qui guérit tout, en fait…

Enfin, l’étude confirme, aussi, qu’en l’état, tester l’efficacité de l’hypnose est particulièrement compliqué : “L’essai randomisé contrôlé, incontournable pour mesurer l’effet d’un médicament, peut-il s’appliquer à l’analyse des effets de l’hypnose ? Dans quelle mesure doit-on appliquer ce modèle à une méthode de soin développée selon un concept totalement différent de celui des traitements médicamenteux ? En effet, l’hypnose est une approche thérapeutique très fortement personnalisée (le praticien adapte sa prise en charge en fonction du patient qu’il a en face de lui). Dissocier l’effet propre de l’hypnose des effets directement liés à la relation patient-thérapeute restera difficile et 198 nécessite sans doute une méthodologie innovante. L’hypnose questionne donc la médecine scientifique.” Pour faire bref : pour l’instant, la science à dissocier l’effet de l’hypnose de l’effet placebo. Ce qui n’invalide pas l’efficacité de l’hypnose, convenons-en.

L. C.