Mahé de La Bourdonnais était quand même un chic type

 

La mairie de Saint-Denis a donc choisi de virer la statue de Mahé de La Bourdonnais du square du même nom. Pas pour en faire des boules de pétanque, ce qui eût été sans doute plus utile aux voisins du Barachois, mais bien pour aller la déposer chez les bidasses. Au Tangue, ça nous fait un peu de peine, y aura une statue en moins à peindre en rose. En revanche, ça fait grelotter l’extrême-droite, qui crie évidemment au “wokisme” et ça, ça n’a pas de prix.

Allié surprise des anti-déboulonnage, cependant, l’historien Prosper Eve. Qui, dans une lettre au préfet, semble s’insurger contre le déplacement de la statue. Pour cela, il utilise deux arguments. Le premier : “Si la mairie de Saint-Denis veut vraiment honorer la mémoire des esclaves, elle doit cultiver l’addition et non la soustraction.” Sa crainte, à la lecture de ses lignes, c’est qu’en enlevant cette statue de Mahé de Labourdonnais de l’espace public, on tenterait d’effacer une partie de l’histoire réunionnaise. Zut !

Sauf qu’à notre connaissance, il n’y a pas de statue de Pétain en France ; on ne l’a pourtant pas oublié. Une statue, c’est pas un livre d’histoire, c’est érigé pour honorer. Rappeler l’histoire, c’est bien le taf des historiens, pas des couleurs de bronze. Y a pas de statue de Manu Payet à Saint-Denis, et pourtant, personne n’oubliera sa performance dans Asterix.

Deuxième argument, du coup, Mahé de Labourdonnais ne mériterait pas pareil traitement, parce qu’il était quand même pas si méchant : “Qui sommes-nous pour juger les hommes du passé et séparer sans risque d’erreur les purs des impurs ? Il faut se rendre à l’évidence, la Compagnie Française des Indes Orientales ayant exigé des colons la culture du caféier de Moka, le nombre de bras ne pouvait qu’aller en augmentant au fil des décennies. Tout autre gouverneur aurait agi de la même manière. […] Deux décisions prises par ce gouverneur prouvent qu’il n’était pas dépourvu d’humanité. Comme les esclaves recevaient pour toute nourriture du maïs, pour varier leur repas et pour éviter une situation de disette après les pertes dues à un cyclone, il a décidé d’y introduire le manioc.” Alors, là, Le Tangue n’irait certainement pas expliquer à l’historien émérite Prosper Eve qu’il a tort. Sur le sujet, il en connaît un rayon, et nous, pas.

Mais on a déjà lu cet argumentaire quelque part, du type qui a fait des horreurs, mais qu’il a pas vraiment eu le choix, et puis, vous comprenez, il a parfois pris de bonnes décisions pour limiter les dégâts… Ah, oui ! C’est exactement ce que tentait de nous raconter Eric Zemmour en 2019, à propos de Philippe Pétain et Vichy. Qui aurait certes collaboré avec les nazis, mais sauvé quelques Juifs, et puis, il a fait au mieux, mais il avait pas trop le choix, vous comprenez. Salauds de wokistes, on peut plus rien dire !

L. C.

 

Précision : On vous voit venir, les fûtés. A aucun moment nous ne comparons Mahé de Labourdonnais (qui ne portait pas de moustache) à Philippe Pétain, ni Prosper Eve (qui n’a a priori rien contre les Arabes) à Eric Zemmour. Nous comparons les discours, pas les personnages. Calmez-vous.

 


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