A La Réunion, on manifeste malgré le déluge (non)

Passion locale, la météo est une telle préoccupation, qu’après avoir espéré qu’on se prendrait un cyclone sur la figure, on a fait croire qu’on a manifesté malgré des éléments déchaînés.

 

C’est pas qu’on est moqueurs, mais un peu, quand même : Le Tangue sortait à peine de sa petite balade au sein de la manif dionysienne qu’on tombait sur ce post de la députée Karine Lebon, sans doute destiné à son public hexagonal :

 

 

Ok, c’est encore les vacances. Mais la “pluie” ? La “tempête” ? Sur les photos, la députée et ses acolytes apparaissent sans K-Way ni pépin. Les chemises des députés Ratenon et Maillot n’avaient pas l’air trop mouillé non plus, et le second avait même prévu, au cas où, les lunettes de soleil : soit tout ce petit monde est parvenu à passer entre les gouttes, soit on est face à un bel exercice de fanfaronnade. Du genre : “Regardez, on se bat contre les éléments pour sauver nos retraites, on est trop forts !” Le Tangue était dans le cortège : son parapluie – il en avait pris un, lui, aussi prévenant qu’un Philippe Naillet – il ne l’a même pas ouvert. 

Que Karine Lebon ait choisi de romancer  la météo n’est en fait pas une surprise : à La Réunion, on en a presque plus parlé ces derniers jours que de la mobilisation nationale visant à faire reculer le gouvernement sur son projet de réforme des retraites (1). Ce matin, d’ailleurs, la couleur du ciel était dans toutes les bouches, au départ, au Petit Marché. “On a eu du bol“, souriait un soulagé. “J’espère que ça va tenir“, tentait un inquiet. “Avec ce qu’ils avaient prévu en début de semaine, on s’en tire bien“, a haussé des épaules un connaisseur.

Oui, cher lecteur du Tangue : on failli annuler carrément la manif’, voire la rentrée des classes, le Nouvel an Chinois et Mardi Gras. Avec un peu de bol, ce sera en effet annulé, mais pour cause de grève générale, pas de Cheneso.

Car la semaine écoulée a encore été le théâtre de notre petite frayeur à nous, qu’on aime bien entretenir : l’arrivée d’un cyclone. Du moins, la formation d’une dépression tropicale à des milliers de kilomètres de chez nous, dont la trajectoire, à quatre ou cinq jours, est impossible à prévoir, mais qu’une application mal utilisée et interprétée annonçait sur notre tronche. Mardi, notre voisine venait nous demander si nous avions assez de bougies : elle avait vu Windy sur Internet. Les écoliers se voyaient déjà gratter un jour de vacances, et les manifestants s’inquiétaient pour leur défilé. On aime bien dramatiser, à La Réunion, la moindre prévision à la mords-moi-le-noeud. Ca fait un peu “survivor” face aux copains de l’Hexagone, qui vous souhaitent bon courage avant les cyclones, alors que vous êtes tranquille chez vous à manger des chips, à jouer au Uno et à écouter Roselyne qui cherche son chat sur Free Dom.

 

Cyclone, fais-moi peur !

 

Sinon, à part la météo, y avait du monde dans la rue, ce matin. Un peu plus de deux mille, à la louche. Ce qui en fait le plus gros mouvement social depuis celui de décembre 2019 (déjà contre la réforme des retraites) : quand y a la CFDT dans le cortège, ça fait toujours plus dense. Mauvais esprit, Le Tangue rappellera quand même qu’il y avait eu deux fois plus de monde dans les manifs antivax de juillet 2021. Plus que la météo, voilà ce qui est franchement déprimant.

La rédaction du Tangue

 

  1. En vrai, au Tangue, on voulait se mettre en grève aussi aujourd’hui, mais on n’a pas su s’empêcher de gribouiller notre édito. Faut dire aussi que si on se mettait en grève, ça n’emmerderait personne, c’est du coup pas très utile. Si vous voulez en savoir plus sur les manifs de ce matin, lisez nos confrères.

 


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