Bonne rentrée les Schtroumpfs !

Un t-shirt bleu unique à Saint-Benoît, des uniformes dans deux autres établissements : ça y est, La Réunion aura vaincu les inégalités. Plus de pauvres, ni de riches, que des Schtroumpfs.

 

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Est-ce que vous la sentez venir, la meilleure blague de l’année ? Le collège Amirel Bouvet, à Saint-Benoît, va participer, avec deux autres établissements réunionnais, à l’expérimentation sur l’uniforme à l’école. Il vient de communiquer sur ledit uniforme. Celui-ci sera constitué… d’un haut bleu. T-shirt, polo ou sweat. Raison, invoquée par la principale, à Zinfos ? “On a été interpellés par des parents parce que des enfants se sont fait embêter à cause des vêtements de marque.” Avec un t-shirt bleu, voilà donc la fin des problèmes. 

Le port de “marques” ou non, qui illustreraient donc la lutte des classes qui a cours dans les cours de récré, semble aussi une préoccupation du recteur, qui expliquait ce matin : “Cette tenue permettra de gommer toutes les différences sociales, culturelles et faire en sorte que les problèmes que l’on a pu connaître – des signes ostensibles – soient gommés.” Problème réglé. Paf.

Le Tangue ne soupçonnera ni la principale du collège Bouvet, ni le recteur, de ne jamais avoir mis les pieds dans une cour de récré. N’empêche : on y va, nous, parfois.

Et puisqu’il s’agit de parler de vêtements, un t-shirt ne changera rien à l’affaire. Les pantalons restent soumis aux marques et, plus encore, les paires de pompes. Il ne faut jamais être allé à l’école depuis quarante ans pour ne pas se rendre compte qu’il vaut mieux  avoir chopé la dernière paire de sneakers hors de prix pour être dans le coup et se donner un statut social. A notre époque, c’étaient les Pump ou les Air Max, que se payaient les richous. En 2024, uniforme ou pas, il y aura toujours ceux qui porteront les Dunk Panda ou les Jordan IV et les autres (vraies ou fausses, au demeurant : Le Tangue galère à trouver ses vraies Jordan quand il voit des élèves qui en ont plein les pieds dans toute l’Île). Des pompes à plus de cent trente balles. A Bouvet, Le Tangue en a vu, de ces baskets-là. 

Gommer “toutes les différences sociales” avec une tenue unique ? Mais quelle blague. Déjà, parce que les études le montrent : ça marche pas. Si la classe sociale n’était définie que par les vêtements, ça se saurait : le bagage culturel, la manière de s’exprimer, le rapport au soin du corps, l’accessoirisation, les morveux savent le reconnaître. Comme la voiture dans laquelle papa ou ou maman vient les chercher au bahut.

Surtout, parce que ça ne règle rien, en fait. Le petit Kyllian aura beau avoir un uniforme, il aura toujours plus de problèmes pour faire ses devoirs que sa camarade Léopoldine, parce que les parents ne peuvent pas se payer Internet, qu’ils ne comprennent rien à ses problèmes de maths et qu’il joue au foot le samedi matin pour trente euros par an au lieu de suivre des cours particuliers d’anglais. Relisez Bourdieu, bordel. Remarquez, la petite Léopoldine, elle s’est peut-être déjà barrée dans le privé.

La Réunion, franchement réac de toutes façons, semble se réjouir de l’arrivée de ces tenues dans les écoles. On n’est pas étonnés. Ca va bien dans la tendance actuelle de l’Île, que de vouloir contrôler l’apparence des jeunes gens, histoire de les mettre dans le droit chemin, ces sauvageons. Dans un an, on ouvrira encore de grands yeux : quoi, y a encore des pauvres et des riches ! Mais alors, on nous aurait menti ? Oui, oui : mais c’était plus rigolo de payer des t-shirt que d’augmenter ces fainéants de profs.

La Rédaction du Tangue

 

 


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