M(heil)otte, rance d’Outre-mer

Il faut arrêter de prendre la classe dirigeante Mahoraise pour un rassemblement de benêts : elle roule pour les fachos, et sait parfaitement ce qu’elle fait. A Mayotte, “Tutsi” se prononce “Comorien”.

 

Il faut profiter des trente ans du génocide au Rwanda, et de tous les documentaires qui accompagnent cet anniversaire, pour cogiter un peu. Cette histoire où une puissance coloniale débarque dans des territoires où elle n’a rien à y faire, décide de créer des frontières géographiques et culturelles où il n’y en avait pas, avant de se barrer à moitié en soutenant et favorisant une partie de la population, notamment sa classe dirigeante, dans son aversion de l’autre partie, pourtant des cousins, des frères, des voisins. Mayotte, Rwanda, parfois pas si loin.

 

Encore un génocidaire présumé qui a trouvé refuge à Mayotte

 

Pas de charniers, ici, d’élimination systématique à coups de sabre, pas de génocide planifié. Mais une haine violente de l’autre qui doit être supprimé d’un territoire et, pourquoi pas, physiquement. Une haine montée en épingle hier par le Hutu Power dans les Grands lacs, par une tripotée de xénophobes dans l’archipel des Comores aujourd’hui. Une haine à laquelle la bourgeoisie mahoraise s’accommode parfaitement ; qu’elle encourage ; qu’elle bâtit.

Le Tangue est pas un peu taré, d’évoquer le Rwanda pour parler de Mayotte ? On te répondra “Cafards“, cher lecteur. Ce mot que les psychopathes Hutus utilisaient pour nommer les Tutsis sur Radio Mille Collines. Ce mot que Saidali Boina Hamissi, que le RN a inscrit sur sa liste aux européennes, a choisi pour qualifier les expatriés à Mayotte. “Il faut peut-être les tuer“, disait encore Salime Mdéré, vice-président du conseil départemental. “La Ligue des Droits de l’Homme n’a rien à dire” proposait de son côté Estelle Youssouffa. Une Ligue des Droits de l’Homme que le gouvernement de Vichy avait dissoute dès son arrivée au pouvoir : si vous cherchez les toilettes, suivez les mouches.

 

Le discours très facho-compatible de Estelle Youssouffa

 

Une fenêtre d’Overton que les dirigeants mahorais ont grande ouverte, et dans laquelle l’extrême-droite n’avait plus qu’à s’engouffrer. Il est très tentant de jouer aux gros colons, d’imaginer des pauvres mahorais qui ne comprennent rien, assez idiots pour ouvrir leurs bras à un parti raciste qui les méprise : c’est les prendre pour des cons. Celles et ceux qui ont accueilli Marine Le Pen cette semaine savent parfaitement ce qu’ils font. Ils ont trouvé un allié qui partage leurs délires xénophobes, qui ferme les yeux sur les incendies des bâtiments venant en aide aux migrants, les ratonnades à Cavani, le tri à l’entrée de l’hôpital. Safina Soula, une des figures des collectifs anti-migrants, a fait des câlins à Marine Le Pen ; le visage de Estelle Youssouffa s’est retrouvé affiché par des militants RN à un meeting. On parle de Mahorais qui ont fait des études, instruits, cultivés. Oui, ils savent parfaitement ce qu’ils font.

 

 

 

Et tel un Mitterrand qui caresse les Hutus et entraîne les Interahamwe, le gouvernement français d’Emmanuel Macron court derrière tout ce beau monde à Mayotte. En tentant la fin du droit du sol, en organisant des Wuambushu et des chasses au kwassa. C’est vrai, ce n’est pas En Marche qui parle de tuer les Comoriens ; il ne fait pourtant rien pour contrer la vague facho de l’Île Hippocampe. Il casse de l’habitat précaire d’exilé, puis les laisse dormir sur le trottoir, livrés à la violence des locaux. Sûr qu’en reprenant les idées des fachos, il récupérera ses votes. Ah, les cons.  

Le voisin comorien n’est même plus un Etat avec lequel il faut tenter de discuter : c’est, au contraire, un ennemi à détruire. Estelle Youssouffa n’envisage même pas la moindre diplomatie avec ses cousins : en 2019, elle proposait carrément une intervention armée à Moroni. Le rejet, l’utilisation de la force pour faire plier un ennemi auquel on attribue les pires intentions pour justifier par anticipation ses propres exactions : les ingrédients du fascisme sont là. Instiller dans la tête des gens que les Tutsis veulent prendre le pouvoir pour justifier leur massacre ; instiller dans la tête des gens que les Comoriens veulent prendre le pouvoir pour justifier leur persécution. Mayotte est le siège d’événements parfaitement étudiés par le passé, et dont on connaît la suite. 

Au Mahorais de la rue, qui crève face à l’insécurité, la précarité, le manque d’écoles et d’hôpitaux, les classes dirigeantes ont proposé une solution toute simple : célafote o Comorien. Les voix qui auraient pu lui proposer d’autres solutions ont été tues. A Mayotte, on s’est attaqué aux assos d’aide aux migrants, aux Droits de l’Homme. Le Mahorais ne voit donc plus qu’une solution, basculer dans la haine.

Il faut écouter, trente ans plus tard, le paysan hutu qui est allé trucider ses voisins tutsis : il a cru bien faire. Guidé par des dirigeants qui saturaient les médias, et en qui il avait confiance. Ils savaient très bien ce qu’ils faisaient hier ; à Mayotte, aujourd’hui, ils savent très bien ce qu’ils font.

La rédaction du Tangue