Un sénateur réunionnais : “Vous verriez la tronche de nos campagnes, à nous…”

Le Tangue a (presque) interviewé un sénateur réunionnais, choisi au pif parmi les quatre. On a (presque) parlé retraites et mode d’élection. Qui ne vous concerne pas, cher lecteur.

 

Bon. On a récupéré les votes au Sénat sur la réforme des retraites. Vous êtes tous pour, quoi…

“En même temps, la plus jeune a soixante-trois ans. Autant vous dire qu’on n’en a pas grand chose à faire, de cette histoire de report d’âge…

 

Oui, et puis avec la vôtre, de retraite de sénateur, ça va aller…

On se gave, mon pote. Un mandat de six ans, 2200 euros de retraite. Deux mandats ? On double. Etc. Voilà, les mecs : en une seule élection, on s’assure au moins le double de la retraite moyenne des Français qui cotisent quarante ans. Alors, merci, nous ça va.

 

Le pays semble pourtant largement contre cette réforme. Vous n’avez pas peur que les électeurs vous fassent payer votre vote, comme cela risque de se passer aux prochaines législatives ?

Vous êtes mignon. De quels électeurs parlez-vous ?

 

Ah, oui, c’est vrai… Petit rappel pour nos lecteurs : les sénateurs sont élus par les grands électeurs, c’est-à-dire les maires, les parlementaires, les conseillers régionaux, départementaux et municipaux. Soit environ 1500 personnes à La Réunion…

Voilà. Je discute avec vous, et pour vos lecteurs… Mais c’est juste parce que la buvette est fermée, cet aprem. Ce que j’en ai à faire…

 

Vous n’avez aucun compte à rendre ?

C’est-à-dire que moi, je vais faire face à 1500 lecteurs en septembre. Et des élus. Pas à madame Grondin. Vous verriez la tronche de nos campagnes, à nous… Remarquez, c’est pas plus mal : on n’a pas à sortir des promesses farfelues. Ca coûte juste plus cher en restos et en paniers garnis.

 

Vous n’avez pas de programme ?

Oh, on a bien un peu un bord, à droite, à gauche… Mais pour le reste, non, pas de programme. Faut juste qu’on arrive à convaincre les élus de notre bord, voire deux ou trois autres. Tout se passe dans les coulisses, dans le feutré. Tu m’aides à être élu, et j’te rendrai un service plus tard. Vous voulez un exemple ? Regardez le directeur du JIR, qui veut se présenter. Soi-disant pour les Réunionnais. Pas folle, la guêpe : il va pas aux législatives, au scrutin universel direct. Non : il va négocier en loucedé pour être bien placé sur une liste, avec deux ou trois pontes de la droite locale et puis il va aller blablater avec des élus. Imaginez deux secondes qu’il les menace de sortir des trucs dans ses éditos si les mecs votent pas pour lui ? J’en sais rien, hein, mais imaginez. Il a besoin d’un programme ?

 

Mais les sénateurs sont aussi chargés de représenter la population…

Elle est bien bonne, celle-là. En ce moment, on est quatre. Quatre à droite. Quand on est élus, en 2017, toute la Réunion vote à droite ? Ben non. On a juste bien négocié. 

 

Depuis quelques jours, l’image des sénateurs semble quand même peu écornée. Cela vous fait peur ?

Ouais, mais c’est nous qui faisons la loi. Alors, vous pouvez bien être chafouins. Ca vaut trop le coup, d’être sénateur, et on n’a pas trop envie de faire autrement. Soixante ans de moyenne d’âge : c’est trop tard pour changer les rayures du zèbre.”

Propos (presque) recueillis par Le Tangue