Calmos, avec les chiffres

 

Le Tangue commence à être fatigué de ces graphiques qu’on voit un peu partout, et qui ne riment toujours à rien. Comme nous avons eu plusieurs fois l’occasion de le rappeler pendant l’épidémie de Covid-19 à La Réunion (ici, ou ), ces courbes sur le nombre total de personnes qui ont été touchées par le Covid-19 à La Réunion sont certes jolies, mais n’apportent quasiment aucune information. Pour info, ce qui est communiqué, c’est (presque) ce graphique : 

 

 

Chaque jour est en effet diffusée cette fameuse courbe qui ne cesse de grimper, qui ne reflète donc pas du tout la situation à La Réunion, pour deux raisons.

D’abord car elle ne peut que grimper, en fait. En montrant, quotidiennement, le nombre total de malades, elle ne peut qu’aller vers le haut. C’est mathématique. C’est surtout absurde, si on ne prend pas en compte le nombre de personnes guéries : cela ne dit vraiment pas grand-chose sur l’état de l’épidémie localement.

C’est d’autant moins parlant que ces chiffres sont faux ; du moins, ils ne reflètent pas exactement le nombre de personnes touchées dans l’Île. Parce que tous les Réunionnais n’ont pas été testés, oui. Mais aussi car, depuis, le 10 mai, l’ARS, qui communique ces chiffres aux médias, prend aussi en compte les personnes malades vivant à Mayotte et évacuées à La Réunion pour y être soignées dans le cadre de la solidarité régionale. Comptabiliser ces cas pour avoir un état des lieux de l’épidémie à La Réunion est particulièrement bizarre.

Du coup, les chiffres totaux diffusés par l’ARS chaque jour intègrent les malades venus de Mayotte. Par exemple, hier, on apprenait que La Réunion comptabilisait 502 cas depuis le début de l’épidémie. Le Tangue en a compté en fait 486, et 16 évacuations sanitaires (le graphique-ci dessus ne prend pas en compte les “Evasan”).

Ce n’est pas du chipotage. Car ces cas Mahorais ont déjà été comptabilisés à Mayotte. Or, pour comprendre une épidémie sur un territoire donné, il faut étudier comment les patients ont attrapé le coronavirus – ce que font les ARS – afin d’agir en fonction. C’est pour cela que la comptabilisation des cas “importés”, de voyageurs arrivant à La Réunion de leur plein gré, ainsi que celle des cas “autochtones” ont un intérêt, et ont permis de prendre des mesures. Ajouter le nombre de cas des évacués sanitaires ne dit rien du tout de l’état de l’épidémie localement.

Mais puisque ce graphique, ci-dessus, n’a pas grand intérêt, il faut donc en observer un autre, celui du nombre de nouveaux cas par jour. Voilà qui est plus intéressant.

 

 

Voilà donc, depuis mars, ce qui s’est passé à La Réunion. Voilà donc où nous en sommes aujourd’hui. Après le fameux “pic” du 28 mars, suivi d’un nouveau au 1er avril, l’épidémie n’a cessé de reculer, pour se stabiliser définitivement le 18 avril entre 0 et 5 cas par jour. Nous sommes donc dans un profil avec des “vaguelettes”, un des scénarios imaginés par les chercheurs (comme nous en parlions ici), qui pourrait évoluer dans le cas où l’aéroport serait ouvert complètement à nouveau. Le profil de la courbe est d’ailleurs tout à fait proche de celui de la France, avec quelques jours de retard.

Diffuser cette dernière courbe, au lieu de celle qu’on voit partout, donne une toute autre tournure à l’égrénement des chiffres journaliers. D’un côté, cela donne envie de tirer une gueule d’enterrement pour annoncer qu’il y a un nouveau cas dépisté, et que les chiffres ne cessent d’augmenter. Avec la nôtre, on peut vous annoncer avec le sourire que la situation est sans cesse en train de s’améliorer. Ce qui est la réalité.

L. C.