Les Mafatais sont des hobbits et Frodon Libelle ne picole pas

Pour Linfo, Konbini a donc eu le malheur de ne pas se cantonner à l’image du Mafatais toujours joyeux de vivre éloignés de tout. Les petits perroquets de l’IRT font le taf.

 

C’aurait pu être une énième tentative de récupérer à peu de frais un ramdam issu des réseaux sociaux, en surfant sur les gueulantes à la sauce “ouin ouin, ils ont mis du ketchup dans le rougail saucisses“.

 

La saucisse et les marteaux

 

C’est bien ce qu’a fait Free Dom, c’est leur fonds de commerce. Pas Linfo. L’histoire ? Konbini, média en ligne branchouille à destination des réseaux sociaux, a pondu un reportage sur Mafate anglé sur… les Mafatais.

 

 

 

Belles images, mais aussi des jeunes du cirque qui y expriment leur mal-être à vivre dans un lieu reculé où il y a peu de travail, et oú l’isolement social, notamment, est total. L’un d’eux explique même être devenu alcoolique, les deux affirmant cependant leur amour pour leur cirque.

Des internautes ont couiné, fallait s’en douter. Mais Linfo s’est aussi positionné sur ce reportage : “N’y avait-il pas mieux à faire comme reportage sur Mafate ? Quelle tristesse de faire autant de trajet pour faire un reportage aussi sombre sur le plus beau cirque de l’île. On aurait pu s’en passer“, dit le site Internet d’Antenne Réunion. Alimentant un peu la xénophobie ambiante, au passage, en insistant sur le fait qu’il s’agit de “journalistes parisiens“.

Pour Linfo, donc, c’est clair : il ne faut pas égratigner la carte postale. Et ne pas faire parler, donc, des Mafatais de leur quotidien, sauf si c’est pour dire qu’ils sont contents, que la vie est belle. Un jeune homme parle de sa solitude, de son ennui ? Mais qu’il se taise, ce con-là ! Qu’on invisibilise les victimes ! 

 

Village Bamboula

 

La réalité ? Mafate n’est pas La Comté, où tout le monde vit heureux, fait la fête, mange des poulets en écoutant les histoires de Bilbon. L’alcoolisme, l’ennui, la promiscuité, sont autant de problèmes qui rongent la vie des Mafatais. Pour exemple, l’auteur de ces lignes en avait fait un long reportage il y a une dizaine d’années qui commençait ainsi : “Mafate n’est pas un paradis. Les touristes le croient, grand bien leur fasse” (lire en entier ici).

Pour Linfo, il faudrait donc se cantonner au facteur ou à ces sacrés Mafatais qui parcourent des kilomètres pour aller voter – vu sur TF1, il y a des années. Continuer à brosser le portrait imaginaire d’un cirque où de gentils sauvages sont contents de leurs conditions précaires. “Ils ont rien, mais ils donnent tout”, et ils rigolent tout le temps, et puis ils sont tellement bien, sans voiture, sans Burger King… Le paternalisme pépère, en somme. Il faut que Mafate reste un Village Bamboula, avec ses habitants qui élèvent leurs poules en dansant le maloya tout en se réjouissant de ce que la nature leur offre.

Selon Linfo, il faudrait donc préserver le récit d’une Réunion et de Réunionnais de papier glacé. Que le reste du monde continue à voir une jolie île, une jolie mer, des habitants heureux. En somme, tout ce que vend l’IRT et les professionnels du tourisme. C’est une manie des décideurs, ici : ripoliner la réalité et tout sacrifier, même la vérité, au Dieu tourisme. Ca donne des navets colonialistes au cinéma et à la télé, financés par la Région.

 

Le Petit Piaf, ou La Réunion au bon temps des colonies

 

Ces films ont été mis en avant, promus, par toute la sphère médiatique et politique, sans que personne (à part nous) ne s’émeuve de l’image qu’ils donnaient de La Réunion et des Réunionnais : un pays sans pauvre, sans HLM, sans alcoolique et sans violence faite aux femmes. Ce même Dieu tourisme qui fait perdre la raison, quitte à oublier les enjeux écologiques du moment.

 

Le touriste, idiot utile de la campagne

 

Retour des croisières ? Super ! Agrandissement de l’aéroport ? Chouette ! Le concert se joue sans fausse note. Même la gauche, en ce moment à la Région, qui se drape dans l’écologie, se réjouit de tout ça. Ca greenwashe à plein.

 

La maison brûle, on agrandit l’aéroport

 

Alors que revoilà les touristes…

 

En remettant un peu d’humanité au milieu de ce concert publicitaire, Konbini, média très suivi sur le continent, sape très certainement des années de pub des professionnels du tourisme à destination de l’Hexagone, qui tentaient de vendre un pays imaginaire. Bien fait.

Rien n’oblige les médias à rentrer dans leur plan de com’ : les touristes doivent savoir qu’ils viennent batifoler au milieu des pauvres. Y a que dans les chansons d’Aznavour, que la misère est moins pénible au soleil.

Loïc Chaux

 

 


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