Le touriste, idiot utile de la campagne

Beaucoup de candidats aux municipales misent sur le tourisme pour développer l’économie de leurs communes. C’est tellement mignon, tous ces gens attelés à la destruction de notre Île.

 

À Nosy Komba, petite île du nord de Madagascar, il devient de plus en plus difficile de trouver des poissons. Étrange, s’est dit votre Tangue : dans une baie où aucun gros bateau ne peut pénétrer, où seuls les pêcheurs traditionnels, dans leurs barques, à la main ou au casier, peuvent sortir des poissons, pareille pénurie nous a paru étrange. Aucune pêche industrielle, et pourtant… “Avant, on posait les casiers le matin, on revenait le soir, ils étaient remplis de poissons. Maintenant, il y en a juste quelques uns, des petits“, nous raconte un pêcheur. Sont passés où, les poiscailles ? “On les a pêchés, pour nourrir les touristes de Nosy Komba et Nosy Be. Maintenant, même pour nous, il y en a moins. Les pêcheurs doivent partir plus loin, plus longtemps. On commence tout juste à nous rendre compte que nous devons préserver la nature.” Des espaces protégés, où la pêche est interdite, ont été aménagés pour permettre aux populations de poissons de se renouveler.

Avec le tourisme, Nosy Komba a vu arriver l’argent ; les pêcheurs traditionnels vendent d’abord leurs poissons avant de s’en servir pour nourrir leurs familles. Le tourisme a eu l’effet pervers d’épuiser les ressources halieutiques du coin et, paradoxalement, d’affamer les populations locales. Putain de touristes. (1)

Un Hilton à Sainte-Marie, de nouveaux filets à Saint-Paul, un agrandissement du port ici, un écolodge par là, aucune ville n’est épargnée, à La Réunion : les candidats rivalisent d’ingéniosité pour attirer du touriste. Parce que le touriste, vous comprenez, c’est le seul qui pourra permettre ce sacro-saint développement économique de nos jolies villes et villages, et tant pis si ça finit de bousiller notre jolie île.

Il faut agrandir l’aéroport, pour toujours plus d’avions ; il faut que toujours plus de bateaux de croisière viennent débarquer à La Réunion ; il faut des hélicos, des loueurs de bagnoles, des hôtels et, tiens, pourquoi pas un golf de plus aussi ? Ça fait venir des touristes pleins de sous, les golfs, non ? Quoi, ça pollue ? Quoi, ça épuise les ressources ? Quoi, ça bétonne ? Développement économique, bordel. DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, vous comprenez, ça ? 10% du PIB mondial, que ça représente, le tourisme : on va pas passer à côté du gâteau, non ?

 

 

Cette vidéo de #Data Gueule devrait être montrée à tous

les candidats pleurant pour le développement du tourisme dans leur commune.

 

Or, l’industrie touristique est mortifère. Responsable de 8% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde – vous savez, ceux qui, à moyen terme, vont nous mettre les pieds dans la flotte, l’augmentation du tourisme espérée par nos chers candidats n’est pas une aubaine, c’est un drame. L’IRT se félicite, chaque année, de l’augmentation du nombre de visiteurs à La Réunion ? Pendant ce temps, comme nous le révélions, La Réunion bétonne à tout-va, les hôtels se multiplient, les projets touristiques aussi, favorisant les inondations et réduisant les habitats des animaux. Oui, mais, hein, développement économique ! Emploi ! Pouvoir d’achat ! Ça rapporte rien, un tuit-tuit. Par contre, un hôtel trois étoiles, ça en fait venir, du flouze.

Se pose un autre problème. Les études le montrent : l’arrivée de Air BnB, notamment, met les locaux dehors. À La Réunion aussi, les proprios préfèrent désormais louer leurs logements à la semaine, pour les touristes, à des prix qui mettent hors circuit les populations locales. Dans une Île où le taux de pauvreté est énorme, les touristes viennent concurrencer les Réunionnais eux-mêmes sur le terrain du logement.

Les candidats qui vous vendent du tourisme à tout va pourraient donc être un peu plus honnêtes : pour quelques emplois hypothétiques et une croissance dramatique en termes d’écologie, ils choisissent de bousiller notre île et ses habitants. Dans cent ans, on les prendra pour des tarés. Si on est toujours là.

La rédaction du Tangue

 

 

  1. Eh oui, s’il vous raconte ça, c’est que Le Tangue était à Nosy Komba il y a peu. Le Tangue est donc aussi un connard de touriste.