Coutumier des fake news, linfo.re a inventé un accident dans un cinéma de Perpignan, inventant des sources et utilisant des photos hors contexte. L’occasion de vous offrir un nouveau tuto pour ne plus vous faire avoir par le pire site d’info réunionnais.
Sur Instagram, un compte nous fait marrer depuis quelque temps, au Tangue : lemakotidien, qui se définit lui-même comme un “Journal parodique de l’île de la Réunion“, au “unes” souvent bien senties et qui fé ri la boush (et contrairement à ce que certains lecteurs croient savoir, on n’a rien à voir avec eux).
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Dans le domaine de la parodie, il doit cependant faire face à un concurrent de taille : linfo.re, le site d’actu de Antenne Réunion, confectionné en grande partie par des petites mains malgaches payées à coups de lance pierres.
Pour améliorer le trafic, le deuxième site d’actu le plus visité à La Réunion derrière Zinfos multiplie donc les articles putaclic, quitte à, souvent, raconter n’importe quoi, et relayer des infos non vérifiées ou juste complètement débiles.
Linfo.re, déclinaison sur le web d’Antenne Réunion, reprend donc les mauvaises habitudes de la grande soeur, à la télé.
Au Tangue, on se dit que le groupe Cirano, proprio de tout ce beau monde, pourrait un peu ruisseler chez nous, au lieu de financer un média participant à la désinformation des Réunionnais, en leur racontant n’importe quoi régulièrement. Hélas, on devra se contenter de grogner dans notre coin.
Hier, un lecteur a porté à notre connaissance une “info” parue sur linfo.re, justement, et qui semble avoir fait marrer les internautes locaux. S’ils ont eux-mêmes tenté – avec succès – de vérifier cette “info”, nous profitons du sujet pour offrir, de nouveau, un tutoriel à nos lecteurs pour les aider à repérer les bidonnages de linfo.re, et à s’en protéger, avec méthode.
Sur son site, à 17h25, linfo.re publie donc cette information essentielle : “Le plafond d’une salle de cinéma s’effondre pendant la projection du film “Destination Finale 6 ““. L’article (toujours disponible ici) explique : “Le 25 mai 2025, dans un cinéma de Perpignan, un panneau s’est décroché du plafond en pleine projection d’un film d’horreur “Destination Finale 6”.” Il précise sa source, l’Indépendant, journal local basé à Perpignan. Sur les réseaux, linfo.re nous balance, emojis compris : “
Frayeur à Perpignan : un panneau tombe sur un spectateur en pleine séance 
“. Brrr, sa fé peur. Ca fait du clic, aussi, le film en question provoquant un joli ramdam, en ce moment, sur les réseaux, pour ses morts spectaculaires.
Lecteur, premier réflexe, face à une info qui sort de l’ordinaire, surtout si elle vient de linfo.re, cherche la source. Sur l’Independant, aucun article ne parle d’un effondrement dans un cinéma de Perpignan. Une recherche, sur Google, à l’aides mots clés “effondrement cinéma Perpignan” ne ramène que vers… linfo.re.
Un cinéma aurait donc vu son plafond s’effondrer à Perpignan, mais la presse locale n’en a pas parlé, et seul un média réunionnais aurait évoqué l’info… en disant s’appuyer sur la presse locale, justement ? Bizarre, linfo.re n’ayant pas, à notre connaissance, de correspondant local dans la riante cité de Louis Aliot.
En revanche, sur le site de l’Indépendant, il y a bien une histoire d’accident dans un cinéma, pendant une séance du film “Destination finale 6”. Le site local semble reprendre une info parue sur le site du tabloïd anglais Daily Mail ; nos confrères d’Occitanie écrivent : “Une partie du toit d’une salle de cinéma est tombée en Argentine pendant la projection de Destination Finale Bloodlines. Une femme a été blessée.” S’il y a eu, donc, ces derniers jours, un accident de ce genre pendant la diffusion de ce film d’horreur, c’est donc… en Argentine. Ce que d’autres sources locales confirment, selon nos observations (et Google translate).
Mais le bidonnage de linfo.re ne s’arrête pas là. Pour faire du clic, il faut aussi une belle photo. Sur l’image, sur le site, la mention “image d’illustration” apparaît discrètement lorsqu’on passe le pointeur de la souris, ce qui n’est pas le cas sur les réseaux sociaux. Nous avons fait une recherche d’image inversée, à partir du montage de la photo, comportant l’affiche du film et le cliché de gravats et de pompiers : on tombe sur des sites étrangers peu scrupuleux. En isolant uniquement la photo soi-disant prise dans le cinéma après l’accident, surprise : nous atterrissons chez NBC News, la prestigieuse chaîne d’info états-unienne. On apprend que ce cliché a été pris par les pompiers de Wenatchee, bourgade de l’Etat de Washington, après l’effondrement du plafond d’un ciné local pendant la projection du dernier Captain America… en février. On aurait pu s’en douter : sur la photo de linfo.re, on pouvait reconnaître la tenue des pompiers de l’Oncle Sam, et le film diffusé sur l’écran ne ressemble pas à un passage de “Destination finale“.
Surtout, derrière le titre racoleur de linfo.re, qui parle d’un “plafond” qui “s’effondre“, et contrairement à ce qui s’est réellement passé aux Etats-Unis – sans faire de blessé – la réalité est moins bankable : dans la vidéo en espagnol diffusée par le Daily Mail, on voit qu’on seul petit bout de plafond est tombé. On entend même les spectateurs se marrer (remarquez que les Anglais n’y vont pas avec le dos de la cuillère en terme de titres sensationnalistes).
Un site argentin montre même la photo de la blessure que cette chute d’un bout de plâtre a occasionnée : un bleu sur un genou. Nous avons pu recouper ces éléments avec ceux diffusés par des médias locaux argentins, les premiers à évoquer cette histoire.
Sur ses réseaux, averti par le moukatage des commentateurs criant à la fake news, les community managers de linfo ont, du coup, changé leur titre, enlevant la mention “Frayeur à Perpignan“, mais sans modifier l’article original, ni produire la moindre excuse ou explication. Notons, au passage, que cette publi a eu un joli succès : au Tangue, on rêve de pareils scores.
Résumons, donc : linfo.re nous pond un papier sur un plafond qui s’effondre dans un cinéma à Perpignan, à partir d’une source locale, en utilisant la photo d’un cinéma où le toit s’est effondré. Mais le journal local n’en a pas parlé, cela ne s’est pas passé à Perpignan mais en Argentine, la photo utilisée vient d’un cinéma Américain, et seule une plaque est tombée du plafond, provoquant un bleu à une spectatrice. Autant de bidonnage pour une info dont tout le monde se fout, à la base, c’est quand même du grand art : après le JIR Hebdo qui donne des leçons à Mediapart dans son dernier numéro, décidément, Le Tangue a tout à apprendre de ses confrères locaux.
Loïc Chaux
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