Médecins, et pas forcément malins

L’épidémie liée au Covid, parmi tant d’autres choses, a montré qu’on pouvait avoir au moins bac +9 et raconter n’importe quoi. Hélas : la blouse blanche, ça impressionne toujours un peu.

 

Ce 3 avril, Bruno Bourgeon “néphrologue et épidémiologistes’exprime lors d’un rassemblement de badauds contre les masques et contre les vaccins. Il y affirme sans sourciller que “la vitamine C, la vitamine D et le zinc” servent à “booster le système immunitaire” et pourraient donc aider les personnes âgées à lutter contre le Covid. La foule applaudit, pensez-donc, le monsieur doit bien avoir un bac +12, il a forcément raison. Cette information est fausse, comme l’explique la majorité de la communauté scientifique, et monsieur Bourgeon n‘en est pas à son coup d’essai : avec de Chazournes et Boden, médecins aussi, ils multiplient les fausses informations, tout en étant relayés docilement par nos confrères. Et quand des médias vérifient leurs infos, avec des sources ? Il explique qu’il s’agit d’une “clique“, de “punaises de médias“. Bac +12, putain !

Le Tangue a à peine une licence. Et en Infocom, en plus, spécialité journalisme. Autant dire que pendant ses études, il a plus picolé qu’appris des trucs. Et pourtant, oui, on peut affirmer que Bourgeon, Chazournes et les autres racontent très souvent n’importe quoi. Comment ? Grâce à la science, tiens. Quand Irène Frachon s’est attaquée au Mediator et au laboratoire Servier, c’est sur la base de données scientifiques fiables, et pas sur une étude danoise à la mords-moi-le-nœud : n’est pas lanceur d’alerte qui veut.

 

Pour un qui raconte n’imp’, des centaines qui disent l’inverse.

 

On ne va pas commencer à vérifier tout ce qu’ils racontent, on y passerait des plombes, et d’autres l’ont fait avant nous (cliquez sur cet hyperlien, c’est pour l’instant la meilleure source d’infos qu’on n’a jamais lue sur le Covid). En revanche, un petit élément de réponse à celui qui vous dira “Oui, mais moi, je suis épidémiologiste, j’m’y connais” : qu’en disent les autres ? Quand un prix Nobel de médecine parle de “dictature vaccinale“, ça claque. Mais quand, en face, des centaines de scientifiques affirment, études à l’appui, qu’il a pété un câble, cela devrait suffire à réfléchir. A pas avaler des affirmations farfelues juste parce que le type d’en face, il a fait plus d’études que vous, qu’il a une blouse blanche et un salaire à 10K€.

Souvenez-vous. Nadia Ramassamy, qui ne s’est jamais privée de rappeler qu’elle était médecin, faisait la promotion de l’homéopathie puis de la chloroquine. Quarante-trois médecins réunionnais font partie du collectif national “Laissons-les prescrire”, qui promeut les traitements à base de zinc et de chloroquine, sans aucune preuve scientifique. Sans compter les spécialistes, il y a 1200 généralistes à La Réunion : ces gens-là sont donc une infime minorité. Aucune raison de croire ceux-là plutôt que tous les autres. Même s’ils ont bac +9. Y en a plein d’autres, tout autant qualifiés, qui disent l’inverse. Et pas parce qu’ils ont passé dix ans à apprendre des trucs au lieu d’aller picoler avec les copains : parce qu’ils se basent sur la connaissance scientifique, faite de protocoles, de tests en double aveugle et de relecture par les pairs. Qu’ils bossent, et ne font ni discours, ni passages à la radio. 

 

Places de parking et boniches.

 

Depuis quelques années, Le Tangue commençait déjà à douter de l’héroïsme de ces gens, qui ont tellement bûché pour passer en deuxième année, qui se sacrifient tellement pour nous, pauvres malades ignares. Des gens extraordinaires sur qui on fait des films, des séries… Nous, les médecins, ne nous impressionnent plus depuis belle lurette.

Depuis, en fait, que des témoignages de personnels de santé nous reviennent aux oreilles. Des témoignages narrant ces médecins tout puissants dans les hostos, invirables car spécialistes dans des domaines qui ramènent des clients… euh, des patients, qui prennent aide-soignantes et infirmières pour des boniches, quand ils ne leur mettent pas la main au cul ou leur parlent comme à leur clébard. Qui gueulent pour une place de parking ou pour leur repas qui n’a pas été livré à temps. Ils ont bac +12, vous comprenez…

Pour beaucoup de soignants, ces attitudes sont quasi normales, ils n’ont jamais voulu témoigner franchement auprès de nous de ce qu’ils vivaient. “Pour quoi faire ? Ils le savent, qu’ils ne risquent rien, et nous, on risque tout. Ça a toujours été comme ça.” (1) Si la plupart des médecins, notamment dans les nouvelles générations ont, bien heureusement, une attitude correcte, vous aurez du mal à rencontrer un(e) infirmier(e) qui n’a jamais vécu une humiliation au travail de la part d’un médecin au cours de sa carrière. Tu parles de héros.

Et oui : on peut faire le métier dont rêvait votre maman pour nous et être un gros con. Ça fait du bien de le dire : quand un type débarque, et vous sort ses diplômes, méfiez-vous quand même. Si ça se trouve, vous êtes plus futé que lui. Même si vous êtes boulanger, brancardier ou journaliste dans un média indépendant que personne ne lit. 

 

La rédaction du Tangue

 

  1. Le Tangue reste malgré tout prêt à recueillir des témoignages des personnels de santé ayant subi des humiliations au travail par des supérieurs. Figurez-vous que c’est un sujet qui nous tient particulièrement à coeur.

 

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