Tuons les pauvres

Ils font la queue au Mac Do, ils sortent sans attestation et on leur rallonge leur RSA. Le Tangue a donc trouvé la solution à l’épidémie de Covid-19 : il faut aller chercher les pauvres jusque dans leurs logements sociaux, et les buter un à un.

 

 

Le Chaudron, les Camelias, la Source… On le voit à la télé et dans les journaux : dans les quartiers de pauvres, y en a pas un qui a son attestation. Les flics le disent, hein, quand ils sont au milieu des immeubles devant les caméras, qu’il faut avoir son attestation, parce que sinon, couic ! L’amende ! Et ils l’ont pas, leur attestation, ceux qui vivent là-bas. Paf ! Amendés ! Cent trente-cinq euros dans les dents, ça va leur faire passer l’envie d’aller se promener, ces salauds au RSA ! On n’a pas vu de reportage de policiers allant contrôler le quartier de La Montagne, pensez-donc : là-haut, ils respectent le confinement, même pas besoin d’aller vérifier.

Et le Mac Do ! Ça y est, le Mac Do rouvre, et regardez donc cette longue file de crève-la-faim partis bouffer de la merde ! On l’a vu à la télé, ça aussi, hein ! Sont pas assez gros, déjà, ceux-là ! Alors que Les Caves de la Victoire n’ont quasiment jamais fermé, et qu’on peut y trouver un petit magret de canard fumé accompagné d’un bon foie gras du Sud-Ouest exquis, sans faire la queue. On peut même se le faire livrer. Faut quand même être con.

Ah, alors, ça y est, l’Insee, ces gauchistes, nous expliquent depuis hier qu’à La Réunion, 10,4% de la population est confinée dans un appartement suroccupé, et que plus de la moitié des vieux vivant seuls sont des pauvres. Et alors, ça veut dire quoi, hein ? Que lorsqu’on vit nombreux dans un petit appartement, on a plus facilement envie de sortir s’aérer ? Que lorsque les gosses s’entassent dans un HLM, on serait tenté de leur donner un peu de sourires en leur ramenant un Happy Meal ? Que d’aller au Mac Do, c’est surtout une manière de sortir, de se rappeler de la vie d’avant, de se faire un petit plaisir en plein milieu d’un confinement qui dure depuis plus d’un mois, et rendu moins supportable par des conditions de vie difficiles ? Que la solitude des personnes âgées touche encore plus les pauvres qu’ailleurs en France ? Sans rire ?

 

 

 

Peuvent pas fabriquer leur pain, cultiver des tomates et cuisiner des confitures avec les gosses, comme tout le monde ? Peuvent pas leur apprendre à jouer de la guitare, à parler Chinois ? On fait quoi, nous ?

Nous, c’est pas facile non plus, mais on se débrouille. Mais mieux. Nous, on met personne en danger pendant le confinement. On est bien sages. On se fait livrer des bonnes bouteilles par un couillon de livreur qui prend les risques pour nous, on s’occupe du jardin, on regarde les citrons pousser et on ramasse les feuilles qui traînent dans la piscine. Nous, on le respecte, ce confinement. On télétravaille, on a organisé un planning pour les cours des marmailles. C’est pas compliqué, un planning, non ? Quand y en a un qui fait ses leçons dans le salon, l’autre va jouer dehors, pendant que maman est dans la cuisine. Bordel, c’est si compliqué que ça ?

Ah, et puis attendez, dernière nouveauté ! On va leur rallonger le RSA de cent cinquante euros ! Mais oui ! Déjà payés à rien foutre, on leur file en plus une augmentation ! Et ils vont s’en servir pour quoi, hein ? Pour acheter des écrans plats, tu parles ! Ah, oui, parce que nous, on paie des impôts, hein. Alors on aimerait bien savoir à quoi ils servent, nos impôts. À augmenter les aides aux traîne-savates ? Nous, on veut savoir à quoi il sert, cet argent. On veut contrôler comment les pauvres, ils dépensent notre argent. On sait ce qui est bien pour eux, nous. On veut les empêcher d’aller au Mac Do, d’acheter du Coca et des jantes alu. Faut pas leur donner du blé, ils savent pas quoi en faire !

En fait, vaudrait mieux les enfermer chez eux, dans leurs clapiers, et qu’ils en bougent pas. Si on pouvait éviter de les voir, aussi, ce serait bien. Sauf dans les reportages à la télé ou dans les journaux. Ça on aime bien, quand ils se font choper par les flics ou qu’ils se tapent dessus quand ils sont bourrés. Ça, c’est génial, après, on se dit que nous, on est vraiment mieux qu’eux

La rédaction du Tangue