Au Nord, la Dream Team des tribunaux

Il n’y a pas beaucoup de communes, dans le Nord. Heureusement, le pedigree des candidats, et surtout leurs nombreuses casseroles, viennent compenser un éventuel vide…

 

Saint-Denis

• On va gagner un peu de place : Gilbert Annette ne se représente pas ! Dommage, on aurait bien aimé rappeler que l’actuel maire est un des seuls élus réunionnais à avoir effectué une peine de prison ferme pour corruption dans les années quatre-vingt-dix… Heureusement, les autres candidats à la mairie du chef-lieu savent occuper le terrain.

• Les avocats de Nassimah Dindar ne sont pas très contents que l’annonce sur son procès sorte en ce début février. Mais l’affaire du Service départemental d’incendie et de secours ne date pas d’hier. Nassimah Dindar est renvoyée en correctionnelle et sera jugée après les élections, le 3 avril, pour prise illégale d’intérêts. C’est l’histoire de deux contractuels recrutés de façon irrégulière par le SDIS, présidé alors par l’ex-présidente du Conseil général. Un jardinier et une femme de ménage qui auraient en fait travaillé au domicile de Nassimah Dindar, pour son compte personnel. À titre d’exemple, le jardinier n’était pas très occupé chez les pompiers, à la direction du SDIS, où il y a plus de béton que de verdure. L’élue clame que la justice saura prouver son innocence, comme dans le dossier du foyer de Terre-Rouge, où elle a bénéficié d’une relaxe dans cette affaire d’emplois fictifs.

Nassimah Dindar est aussi visée par une enquête sur l’achat à un prix étonnamment bas de sa villa créole dans le Bas-de-la-Rivière et des conditions dans lesquelles ont été effectués les travaux de rénovation. Les investigations sont dirigées par le parquet national financier. Les gendarmes cherchent à savoir si les artisans ont travaillé ou pas à prix sacrifiés en échange de marchés du Conseil départemental. Une perquisition a été effectuée au domicile de Nassimah Dindar.

Enfin, l’ex-présidente du Département et du SDIS est aussi visée par une plainte pour harcèlement moral déposée par une ancienne secrétaire travaillant chez les pompiers. Un juge d’instruction a été nommé. Lynda Poudroux avait été virée du SDIS alors qu’elle bénéficiait d’une bonne notation. À sa place avait été titularisée une autre secrétaire, mal notée mais militante du SDIS. Nassimah Dindar devrait être prochainement convoquée pour s’expliquer.

Didier Robert doit serrer les fesses. Il craint énormément de se retrouver à la barre du tribunal correctionnel pour son histoire de gros salaire à la Société publique locale Réunion des musées régionaux (SPL RMR). L’embrouille a été flairée par la Chambre régionale des comptes qui s’est étonnée que celui qui s’était fait bombarder pédégé de la SPL touche 8 400 euros mensuels bruts sans autorisation du conseil d’administration. Avec au passage une augmentation de 52% par rapport à son prédécesseur et un contexte économique difficile, puisqu’un plan de licenciement avait été lancé dans la structure. Ce salaire confortable aurait été destiné à compenser la perte de ses revenus de sénateur, poste qu’il a dû abandonner en 2017 à cause de la loi sur le non-cumul des mandats. Par ailleurs, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a effectué un signalement au parquet pour le prévenir que Didier Robert avait oublié de déclarer tous ses salaires. Une “erreur administrative” selon lui. C’est bête ! L’affaire avait éclaté après la crise des “Gilets Jaunes”, ce qui a valu au président de Région une belle cote de popularité. Didier Robert a déclaré qu’il aurait remboursé les sommes litigieuses. Suffisant pour éviter un procès dans les prochains mois ?

Autres dossiers chauds pour le candidat à la mairie de Saint-Denis, l’enquête qui n’en finit pas sur les marchés de la NRL et celle, plus récente, sur des marchés de travaux pour des lycées du Sud. Mais difficile de dire si le président de Région risque d’être inquiété dans ces affaires. C’est encore plus vrai dans les détournements de fonds liés à la continuité territoriale où il ne semble pas directement dans le viseur de la justice.

• Il faut noter aussi le panache d’Alain Armand en novembre : alors qu’il vient de se faire condamner à dix ans d’inéligibilité et une interdiction d’occuper un poste de la Fonction publique de cinq ans, pour prise illégale d’intérêt, Armand a lancé sa candidature à peine sorti du trib’, tout en annonçant se pourvoir en cassation. La justice avait tiqué sur le fait qu’il était à la fois président de la Sodiac, un des principaux bailleurs sociaux de La Réunion, et gérant d’une société de consulting pour la Sobefi, spécialisée dans le gestion immobilière… actionnaire dans des projets de la Sodiac.

• In extremis, Éricka Bareigts a pu intégrer nos pages. Elle vient tout juste d’être condamnée, avec Huguette Bello, à payer 5000 euros au conseil régional, pour s’être introduite de force dans la médiathèque Cimendef en 2018.

 

Sainte-Marie

• S’il y a bien une mairie où c’est le bordel, c’est Sainte- Marie. Un bordel organisé depuis des années par le maire, Jean-Louis Lagourgue, obligé de rendre son siège après son élection au Sénat en 2017, laissant ainsi le poste à Richard Nirlo, qui se représente. La commune fait en effet l’objet de pas moins de sept enquêtes, portant sur la gestion de la commune lorsque Lagourgue était maire, et Nirlo son adjoint : primes suspectes, avantages infondés, achat de terrains louches, attributions de marchés infondées, favoritisme, fraude fiscale… Le totale ! Le Tangue avait aussi révélé dans le détail comment la mairie avait fermé les yeux sur les énormes détournements de fonds au CCAS, sur lesquels Nirlo aura du mal à démontrer qu’il n’était pas au courant. Un Nirlo qui, en décembre, a été mis en garde à vue dans le cadre d’une enquête ouverte pour détournements de fonds publics, recel, faux et usage de faux, trafic d’influence, favoritisme et corruption. Deux jours plus tard, il organisait un meeting pour annoncer sa candidature.

• Pris les mains dans le pot de confiote, Gérald Maillot a dû l’avouer : oui, il a bien construit une case qu’il a habitée à La Bretagne, à Saint-Denis, sur des terrains agricoles théoriquement non-constructibles. Le parquet a ouvert une enquête : en tant que délégué à l’aménagement du territoire à Saint-Denis, il pourrait aussi être soupçonné de prise illégale d’intérêts. 

 

Sainte-Suzanne

Maurice Gironcel pourrait avoir son rond de serviette au tribunal et à la Caserne Vérines : retracer son parcours judiciaire, c’est naviguer au milieu des mises en examen et des gardes à vue. Dans les années deux mille, Gironcel s’est vu reprocher d’avoir saucissonné en 2003 un marché public portant sur la réalisation de cinq chemins bétonnés dans sa commune, afin d’éviter un appel d’offres, et de favoriser l’entreprise d’un copain. Il avait aussi été condamné pour emplois fictifs : un agent communal, notamment, était payé par la commune alors qu’il était en vacances à Madagascar pendant un an. Le meilleur ? Un unijambiste en fauteuil roulant employé à l’entretien des sentiers… Cela avait notamment abouti à une condamnation à un an d’inéligibilité en 2008. En 2010, il était de nouveau déclaré inéligible pour deux ans, et condamné en sus à un an de prison avec sursis pour détournements de fonds au sein de trois associations municipales, dont le comité des fêtes.

Abus de confiance, détournements de fonds, favoritisme : Gironcel a aussi été plusieurs fois relaxé. Pour les achats de voix, c’est énorme : lors de l’enquête, les gendarmes avaient découvert un enregistrement où on entendait Maurice proposer de “dépanner” une dame responsable d’un bureau de vote lors des municipales de 2014. La contrepartie ? “Tu tiens le bureau 11, tu ne nous embêtes pas. Quand tu la remplaces (l’assesseur titulaire), tu fais passer le message aux autres. Tu dis (à l’équipe) : allons travailler ensemble. Comme ça, ils comprennent.